Romain Thiery, artiste photographe

 

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Romain Thiery, artiste photographe né en 1988 à Bergerac. Je vis actuellement près de Montpellier. Pianiste amateur depuis l’âge de 5 ans, je combine mes passions dans un seul et unique projet photographique : Requiem pour pianos. Ma notoriété à décollé à l’international il y environ 7 ans. Depuis, j’expose dans plusieurs galeries d’art comme à Hambourg, San Francisco, Tel-Aviv …

 

La photo c’est : un hobby, une passion ou un métier ?

À mes débuts, il y a plus de 15 ans, la photographie était seulement un pur hobby. Cependant, elle est devenue rapidement un métier. Métier que j’exerce avec grande passion.

 

Quelles ont été les étapes importantes dans ton apprentissage de la photographie ?

L’Asie a été révélatrice de ma pratique photographique. J’ai eu la chance d’y passer presque un an. Je souhaitais rendre intacte cette atmosphère, cette agitation, ces couleurs, par l’image. L’inde a été mon école. De plus, j’ai grandi dans le milieu de la photographie avec ma mère, photographe amateur, qui m’a très rapidement enseigné certaines bases. Je suis totalement autodidacte.

 

Qui sont les photographes qui t’inspirent ?

Il y a 3 photographes qui m’inspirent particulièrement : Gregory Crewdson, Sophie Calle et Martin Stranka.

 

As-tu un souvenir d’une photographie que tu souhaites partager avec nous ?

Pour répondre à cette question, je vais vous partager ma première découverte d’un piano abandonné. Celui qui m’a donné l’idée de travailler sur ce sujet en particulier.

 

Requiem pour pianos 10 © Romain Thiery

Requiem pour pianos 10 © Romain Thiery

 

De retour d’un long voyage en Asie. Ma mère me demande de l’accompagner à la découverte d’une maison bourgeoise abandonnée à quelques kilomètres de notre domicile. Aucune hésitation, nous y allons. Nous empruntons une petite route, nous nous garons et continuons à pied. La végétation est luxuriante.

Nous nous frayons un petit chemin près de la rivière en contrebas. J’aperçois la maison, elle est à au moins dix mètres au-dessus de nous. Des escaliers nous font grimper le long d’une falaise. Une fois devant, je reste ébahi par la beauté du lieu et stupéfaits de voir la porte grande ouverte. Nous entrons à pas de velours, l’angoisse nous envahit peu à peu. Je monte l’escalier intérieur. Tout est vide et en mauvais état. Enfin, je le pensais à ce moment-là. Je force un peu sur une porte bloquée, gonflée par l’humidité. Le parquet craque sous mes pieds. Quelle découverte ! Il y a un magnifique piano Pleyel ! 

Je n’en crois pas mes yeux, mon instrument est là, oublié, soumis à l’usure du temps. Je me sens tout de suite rassuré, c’est une émotion incroyable. Mais comment peut-on laisser son piano derrière soi ? Je ne l’avais pas compris sur le coup. Mais il gît là, face à moi, dans cette pièce où la cheminée et les matières nobles ont déjà été pillées, mais pas le piano. Beaucoup de questions me traversent l’esprit à ce moment-là. Les clichés s’enchaînent, je veux lui redonner vie. 

Je me déplace autour, cherche le meilleur angle. Même couvert de son épaisse poussière, il n’en demeure pas moins attachant. Ce moment, gravé dans ma mémoire, fut le commencement d’une longue quête qui m’amènera à voyager dans le monde entier à la recherche des pianos abandonnés.

 

Travailles-tu uniquement en numérique ou aussi en argentique ? Peux-tu nous parler de ton matériel ?

Je ne travaille qu’en numérique et utilise depuis mes débuts du matériel Sony. Aujourd’hui je suis équipé du Sony a7R4. J’utilise également souvent le même objectif, un objectif Zeiss 16-35mm et parfois un objectif Sony G 24-105mm. Je travaille essentiellement au grand angle afin de capturer la totalité des scènes que je découvre et de rendre visible cette atmosphère particulière.

Quand je voyage, j’amène avec moi mon boitier et ces 2 objectifs, un trépied, une télécommande pour pouvoir déclencher à distance si besoin et un enregistreur Zoom H2N qui me permet d’enregistrer les sons des pianos que je découvre.

 

Requiem pour pianos 11 © Romain Thiery

Requiem pour pianos 11 © Romain Thiery

 

Peux-tu nous parler de ta démarche photographique sur ta série « Requiem pour piano » ?

Ma série « Requiem pour pianos » m’offre le privilège de conjuguer mes deux plus grandes passions : la photographie et à la musique. Plus d’une centaine de mes photographies se concentrent sur un objet central : le piano. Parfois avec certaines de ses touches manquantes, parfois complétement vandalisé ou sur le ventre, mais ne cessant d’imposer sa puissance.

Impressionnant et incongru, il est toujours là. Là ou régnait, il n’y a pas si longtemps, la grâce, le luxe et un gout certains pour les choses de l’art. Seuls témoins du passé, ces pianos sont l’âme des lieux, objets trop lourds pour être déplacés que je cherche sans relâche. Dans un désordre qui nous amène à nous poser des centaines de questions, un piano couvert de poussière est dressé et sa noblesse est frappante, sa grandeur réside toujours dans les fondements de notre culture. Même lorsque le temps les abîme, nous y sommes attachés, nous les respectons. Mon art est de vous montrer cette beauté arrogante qui relègue tout le reste au second plan.

 

Requiem pour pianos 11 © Romain Thiery

Requiem pour pianos 11 © Romain Thiery

 

As-tu des projets ou des idées photographiques pour 2022 ?

Je continue toujours ce projet qui me prend beaucoup de temps. Je rentre tout juste d’un voyage au États-Unis. Voyage que je planifiais depuis 4 ans. J’y ai découvert neuf pianos abandonnés.

Le projet en cours et qui verra le jour prochainement dans le cadre d’une exposition est plus sonore que photographique. En effet, depuis quelques années, j’enregistre, in situ, lorsque cela est possible, note par note, l’intégralité des sons des pianos que je découvre. Ils permettront de fabriquer une collection d’instruments virtuels que je rendrais disponible au public en ligne et lors de mes expositions. Cette méthode me permet de créer un modèle sonore réaliste, d’immortaliser le son de ces pianos et de capturer leurs identités. Ces bibliothèques de samples donneront une seconde vie aux pianos abandonnés et parfois difficilement accessibles, en donnant à des centaines de musiciens à travers le monde l’opportunité de les faire résonner.

 
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Site web : romainthiery.fr

Facebook : @romain.thiery.90

Instagram@romainthiery

 

Merci à Romain pour cette interview !